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Des accents écrits
 
 
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« Les accents écrits ont-ils seulement une chance de survie dans un univers largement dominé par la langue anglaise ? Inquiète de la perspective d’une disparition numérique des tildes (ñ), des á et autres í, la Fundéu BBVA, organisation à but non lucratif pour la promotion d’un usage correct de l’espagnol, s’est récemment associée à Twitter pour lancer la campagne #acentúate (#accentue-toi). » (Source : ici).

L’idée est de faire savoir aux utilisateurs du réseau qu’un mot accentué est bel et bien pris en compte par Twitter. La campagne s’est trouvé un ambassadeur en la personne de l’acteur Antonio Banderas, qui a diffusé mercredi ce message : « Mets des tildes à tes hashtags. Ils fonctionnent aussi bien et témoignent du respect pour ceux qui nous lisent. » (Même source que précédemment). 


L’accent circonflexe, l’accent aigu, l’accent grave… On écrit é ou è ? Heureusement, en français, il existe une règle qui est très facile à apprendre et à appliquer ! Si c’est la grosse panique car vous n’y comprenez rien et vous mélangez tout, voyez donc ici, une page intitulée Site de Français Langue Étrangère et extraite du fameux site Lewebpedagogique.com. On nous y rappelle notamment que l'accent circonflexe s'emploie sur a, e, i, o, ; l'accent grave sur a, e, u ; et l'accent aigu uniquement sur le e.

Dans le cadre de cette chronique, il va bien entendu être impossible de (re)voir tous les cas de figure... Sur la façon « d'écrire et de prononcer les accents français », je renvoie donc notamment aussi ici, à un article ayant pour titre Le guide de l’usage des accents en français, un bon guide proposé par le non moins fameux site Lalanguefrancaise.com.


Le plus important pour nous ici est de bien (re)voir qu'en français l'accent écrit représente le plus souvent :

  • soit une différence de timbre vocalique, comme dans le mot élève, où l'accent aigu et l'accent grave s'opposent au niveau des deux premières syllabes.
  • soit une opposition dite diacritique, c'est-à-dire destinée à empêcher une confusion entre homographes. C'est ainsi que le la de la voiture ne porte pas d'accent alors que celui de je suis là oui.

En espagnol, il faut rappeler tout d'abord à tout prix (pour certaines personnes qui ont tendance à mélanger les langues) qu'il n'existe ni accent grave ni accent circonflexe. C'est donc bien l'accent aigu à lui seul qui assume presque tous les rôles à jouer sur les cinq voyelles castillanes. Il sert à exprimer :

  • soit (comme en français) une opposition diacritique : on oppose ainsi par exemple le pronom relatif que au pronom interrogatif qué.
  • soit une nuance d'intensité sonore au moment de la phonation. Ainsi, pour un mot comme pájaro (fr. oiseau), l'accent du premier a indique qu'il s'agit-là de la syllabe tonique du mot, autrement dit celle que l'on entend le plus (fort).

En français, tous les mots sont oxytons (toniquement accentués sur la dernière syllabe) : il n'y a donc pas d'opposition possible entre eux en ce qui concerne l'intensité sonore. En espagnol en revanche (et pour tenter encore de simplifier les choses), il existe trois sortes de mots : les oxytons (en espagnol las palabras agudas), les paroxytons (palabras llanas) et les proparoxytons (palabras esdrújulas).

L'accent tonique étant distinctif dans cette langue, il se peut qu'un même mot puisse signifier trois choses différentes en fonction de son accent tonique, dont la place est indiquée par celle de l'accent écrit ou bien par l'absence de celui-ci. Exemple : terminó ('il ou elle a terminé', 'vous avez terminé') / termino ('je termine', où c'est le i qui est toniquement accentué) / término ('terme')... d'où l'importance de l'accent écrit (en castillan plus encore qu'en français), ce que malheureusement bien des personnes (hispanophones de naissance ou "simples" hispanisants) ont tendance à oublier un peu vite.


Quant au tréma, selon le Petit Robert, il s'agit d'un « signe formé de deux points juxtaposés que l'on met sur les voyelles e, i, u, pour indiquer que la voyelle qui précède doit être prononcée séparément, et sur les voyelles a et o dans certains emprunts ». Le mot aiguë par exemple (féminin de aigu) s'écrit par exemple avec un i tréma pour signifier au lecteur que le u doit être prononcé "normalement", pas comme dans bègue (où il est muet).

En espagnol, langue où le tréma s'appelle la diéresis (ou plus marginalement la crema), le signe en question a un rôle que l'on peut qualifier aussi de discriminant, mais il ne fonctionne pas de la même façon dans les deux langues. En effet, en castillan, seul le u est concerné (dans les deux seules syllabes gue et gui) et ce n'est pas la voyelle suivant celle-ci qui porte le tréma pour la distinguer, mais bien la voyelle u elle-même. Ainsi, on écrit agüero ou pingüino pour montrer que le son /u/ (que l'on écrit ou en français) est bien prononcé en tant que tel.


Il nous reste aussi à évoquer le cas de ce que l'on appelle (notamment en français) la tilde. Selon le Petit Robert (à nouveau), il s'agit d'un « signe en forme de S couché (˜) qui se met au-dessus du n en espagnol » lorsqu'il se prononce comme le groupe gn en français. Ainsi, si l'on peut se permettre de faire (pour l'exemple) abstraction de l'accent tonique, on peut (presque) dire que año et agneau se prononcent de la même façon.

Pour ce qui est du mot tilde (en espagnol), il faut savoir que dans cette langue il ne désigne pas seulement le petit signe typique (et même caractéristique) de l'espagnol que l'on place parfois au-dessus du n, mais également n'importe quel autre accent écrit, autrement dit aussi l'accent (aigu) des voyelles a, e, i, o, u. En espagnol donc, on peut dire que le mot tilde est synonyme de acento escrito, par opposition à l'accent oral, sur lequel nous avons dit quelques mots (en attendant peut-être mieux) un peu plus haut.


Pour en revenir à la question qui était posée tout en haut de cette page (« Les accents écrits ont-ils seulement une chance de survie... » ?), même si cette chronique ne présente par nature qu'une vision des choses réduite et raccourcie sur bien des plans, il me semble que tout ce que nous avons dit ici sur le sujet aurait plutôt tendance à rassurer celles et ceux qui regretteraient déjà de voir nos "chers" accents disparaître de nos écrits et de nos claviers.

Il est clair que, bien souvent par négligence et/ou fainéantise, les accents ont tendance à être "oubliés" dans la correspondance familière (ou populaire) en français et en espagnol, mais n'oublions pas toutes les autres langues (dont certaines pratiquent bien plus l'accentuation écrite que les nôtres, et même sur certaines consonnes)... Non, il ne semble pas pensable que la mondialisation, du moins telle que nous la connaissons aujourd'hui, ait raison de nos accents écrits.


Jean-Louis BARREAU, le 17 décembre 2018


 

 

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