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Les démons... stratifs
 
 
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Encore un superbe jeu de mots pour commencer cette rubrique en fanfare, mais je n'ai pas pu m'en empêcher tellement l'emploi de ces "petits" éléments de langage est difficile lorsque l'on passe du français à l'espagnol et (en moindre mesure) inversement.

 

 

Cette flèche verte oscillante qui semble avoir du mal à trouver sa cible illustre le fait que les démonstratifs, en espagnol comme en français servent à désigner quelqu'un ou quelque chose dans l'espace, dans le temps, ou encore dans ce que les linguistes appellent le domaine de la « notion ».


Du latin demonstrativus, un démonstratif (esp. demostrativo) est à l'origine un élément qui sert à 'démontrer' puis, au fil du temps, on en est venu à employer ce terme le plus souvent et (notamment en grammaire ou en linguistique) avec le sens de 'montrer', d'où le terme scientifique actuel à ce sujet de monstration.

Puisqu'il n'est pas question d'essayer d'établir ici une énième liste exhaustive dans le domaine, nous nous contenterons de quelques remarques ou observations issues pour la plupart des difficultés rencontrées par les apprenants, notamment lorsqu'il s'agit pour un francophone d'exprimer une idée contenant un fait de monstration en espagnol.


Pas de recensement "exhaustif" donc, mais il convient de préciser tout d'abord que le français moderne s'embarrasse (comme dans d'autres domaines) de moins en moins de formes. Pour désigner un objet plus ou moins lointain, on dispose (tout de même encore) respectivement de celui-là et de celui-ci, mais de plus en plus souvent c'est la première forme qui s'impose dans les deux cas, et même sous une forme orale abrégée que l'on peut écrire sans trop de honte çui-là.

Par ailleurs, dans le camp des adverbes démonstratifs de lieu (et/ou parfois de temps), force est de reconnaître que le "triptyque" ici, et là-bas est bien "malmené". À une question simple telle que « Où es-tu ? » (ou « T'es où ? »), un nombre croissant de francophones contemporains répondront : «  ».

En français actuel donc, il semblerait bien que le système ternaire originel ait tendance à céder sa place (à l'oral du moins, pour l'instant...) à un système "monobloc", celui du fameux .


Du côté de la langue espagnole, les démonstratifs semblent plus résistants à l'usage, et l'on a coutume de dire qu'ils se répartissent en trois zones distinctes :

  • celle du locuteur : yo ;
  • celle de l'interlocuteur (ou allocutaire) : , usted, ustedes ;
  • celle qui se trouve au-delà de ces deux premières, c'est à dire ce que les linguistes désignent souvent sous l'appellation non-personne : él, ella, ellos, ellas.

Cela suppose donc trois zones apparemment bien distinctes (aquí, ahí, allí), mais là encore on peut dire que la pratique l'emporte bien sur la théorie.

Pour faire court, il existe des cas simples : Este es mi nuevo boli y se queda aquí conmigo. Dans ce genre de phrases-"modèles", on peut dire qu'il n'y a pas d'hésitation possible, par exemple en début de phrase, entre este, ese ou aquel. On peut parler d'une sorte de concordance qui (ici au niveau spatial) résulte de la présence flagrante de trois marqueurs de la zone du locuteur : este, mi, aquí. C'est donc là la phrase "rêvée" pour le maître comme pour son élève.


Malheureusement (ou heureusement selon les points de vue), on sait bien que tout n'est pas si simple dans la plupart des cas et que l'espagnol (comme toute langue étrangère du point de vue de celui ou celle qui l'aborde "de l'extérieur") produit bien des énoncés au sein desquels le choix de tel ou tel démonstratif est plus difficile, voire hasardeux.

Un petit exemple extrait d'un cahier d'exercices quelconque : pour compléter la phrase _____ proyecto no me parece muy interesante, seul Ese a été retenu comme solution valable par le concepteur de l'exercice... pourtant rien dans cette phrase ne permet d'écarter complètement Este ou Aquel. On pourrait facilement imaginer :

  • Finalmente me parece que lo he hecho mal. Este proyecto no me parece muy interesante.
  • Creo que últimamente no te has herniado. Ese proyecto no me parece muy interesante.
  • ¿Desde dónde nos llega tal idea? Aquel proyecto no me parece muy interesante.

Le problème essentiel, avec ce genre d'exercices qui sont souvent (pro)posés comme des modèles à suivre, c'est qu'il s'agit souvent de petites phrases (trop) isolées. Que ce soit en "grammaire" comme ici, en linguistique ou en traduction pour d'autres, il me semble, pour mieux chasser tous ces vieux "démons" qu'il ne faut jamais négliger la notion de contexte à l'écrit et de situation de communication à l'oral.


Jean-Louis BARREAU, le 25 novembre 2018


 

 

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